Le Goût de l'Air
Je serais capable de rester des heures ici. A contempler mon bijou, mon trésor. Chaque fois que je pense à quelque chose, c’est pour elle. La salle obscure, ne possédant pas de fenêtre, est seulement éclairée par cette lampe spéciale donne un air religieux à la pièce. Les quelques meubles empilés ici et là sont couverts de poussière, mais qu’importe, je ne leur prête aucune attention. Je reste seulement fixé sur ma bien-aimée. Je respire l’air à plein poumon. Il est pur. Il s’infiltre dans mes poumons, j’apprécie sa fraîcheur. C’est le seul endroit où je peux encore le faire. Je pense au jour où je l’ai eue. Une vraie merveille ! Elle était là, à essayer de ne pas céder à la mort dans mon jardin. Qui aurait cru qu’il existait encore de tels miracles de la nature. Surtout de par ces temps obscurs. Elle a tellement grandi depuis. Elle n’a pas vraiment changé pour autant. Je la reconnais toujours. Elle est unique. Elle est la seule occasion pour moi de sortir de ce masque sans risquer la mort. Dire que même dans mon salon l’air est irrespirable.
On sonne. Je suis obligé de me séparer d’elle, et sûrement pour ouvrir la porte à un de ces psychopathes de l’Eglise de Nyx. Le monde est déjà assez mal pour en prédire la fin. D’ailleurs, je suppose que la fin est là depuis longtemps. Je me lève de ma chaise, je prends mon masque et l’enfile sur ma tête. La respiration qu’il me donne me fend le coeur, l’air pur me manque déjà. J’ouvre la porte et je monte les escaliers. Comme à mon habitude, je soulève la plaque en fer au plafond, je grimpe à l’échelle sur le mur, je sors, je referme et je déplace mes cartons dessus. On re-sonne. Je crie :
«-J’arrive !»
Mais il n’a pas dû m’entendre, le masque diminue le son des voix, le rends saturé. Il re-sonne.
Une fois à l’entrée, j’ouvre.
«-Monsieur Cid ?»
C’était un homme, de petite taille, avec un chapeau haut de forme, qui ne montait pas très haut. Costume noir, chemise blanche à rayures grises et cravate noire. Masque à gaz propre. Un homme certainement distingué. Il ne semble pas venir de l’Eglise.
«-Tout à fait
-Nous devons vous parler»
Le nous m’inquiète. En prononçant ces mots, deux hommes en costume gris, venant de la gauche, se dirigent vers l’entrée. Ils me fixent. Malgré que le masque recouvre leurs yeux, je sais qu’ils me fixent. Le petit se racle la gorge. Je n’avais pas remarqué qu’il avait sortie sa plaque. Il y était marqué Federal Bureau of Investigation. Que viennent foutre des agents fédéraux ici ?
«-Je suppose que je n’ai pas d’autre choix que de vous faire entrer, dis-je.
-Vous supposez bien. Mes subalternes m’accompagnent.»
L’ambiance est tendue. Nous sommes assis face-à-faces. Nos respirations sont les seules à briser le silence. Ma tasse de café fumante reste sur la table, je n’ose y toucher.
«-Mr Cid, la loi est faite pour nous protéger, vous et moi, dit-il.
-J’en suis conscient»
C’est quoi son truc à la con ? Que veut-il ? Que me veulent-ils ?
«-Nous sommes d’accord sur ce point.
-Qui ne l’est pas ?
-Nous avons des dizaines de criminels notoires qui ne partagent pas cet avis.
-C’est bien dommage.
-Vous savez, ils ont leurs raisons de ne pas croire en la loi»
Je l’entends soupirer sous son masque.
«-Cela ne les pardonne pas, répondis-je.
-Evidemment non. Mais la loi est faite pour être remise en cause.
-En effet, si la loi ne s’adapte pas, où irait le monde ?
-Personne ne le sait. Si, peut-être les européens. Cela fait longtemps que leurs gouvernements cherchent à tout prix à écarter l’Eglise de leur pays et des hautes sphères. Mais ils se heurtent au fait que l’Eglise est plus forte qu’eux. La chasse à l’homme là-bas est terrible.
-En effet. Je suis fier que notre pays ait accepté leur présence pour ne qu’ils complotent pas contre nous.
-L’Europe va à sa perte...»
Le silence revient dans le salon. Je porte la tasse à mes lèvres de métal. Les trous filtrant altèrent le goût du café, comme à leur habitude.
«-Mais vous devez savoir pourquoi nous somme là, n’est ce pas...
-Vous n’êtes pas là pour parler de l’Europe ?
-Malheureusement non, et pourtant, cette discussion m’a plu.»
Il soupire encore. Le regard des deux autres continuent de me fixer.
«-Vous n’avez vraiment aucune idée pourquoi ?
-Je suis désolé... Ai-je fais quelque chose de mal ?»
J’aspire de nouveau du café. J’en renverse un peu sur ma chemise.
«-Veuillez excusez nos manières... Surt ! Chope-le !»
Le plus grand se lève et me saute dessus. Il me tient et je ne peux pas m’opposer. Ses deux mains me serrent les bras. Il me plaque à terre, le ventre au sol, et soulève mes bras vers le plafond.
«-Nous sommes ici car un de vos voisin soupçonne que vous possédez une plante chez vous. Nous avons ordre de fouiller votre maison, dit-il, toujours assis sur le canapé. Edgar, va fouiller l’endroit.»
Sans un mot, l’autre se lève et monte à l’étage.
Ma respiration couvre les bruits que fait l’agent en haut. J’halète, et dès que j’esquisse un mouvement, le grand me tord les bras.
«-Avez-vous entendu parler de la loi Kirijima au Japon monsieur Cid ? dit alors leur chef.
-Non... dis-je en suffoquant.
-Après leur grave crise économique, le Japon à décidé d’interdire toute menace de rébellion contre le gouvernement. La loi Kirijima, du nom d’un ministre de je ne sais plus quoi, interdit tout groupe religieux autre que le Shintoïsme et le Bouddhisme. Les Catholiques, les Juifs et tout les autres ont été bannis du Japon, ou convertis par la force. Mais devinez qui, aujourd’hui, a le droit de créer des lieux de culte et a le droit de faire des grands rassemblements ?
-Laissez... J’ai deviné... Vous faites mal ! dis-je à celui que me tenait avec force, et qui en profite pour me faire encore plus mal.
-Je veux bien croire que NOUS ayons fait des erreurs, regardez-nous avec nos masques pathétiques, mais je ne peux pas croire que tout ça conduira à la fin du monde. Leurs théories sont farfelues. Nyx, grand sauveur et grand rédempteur descendra sur Terre et ôtera la vie à tout être et emmènera ses fidèles en haut des cieux. J’ai déjà un dieu qui me demande une vie de partage, puis m’offre une vie éternelle dans l’au delà. Je ne demande pas qu’un autre prenne la vie de mes futurs gosses sous prétexte que c’est l’heure de crever. Notre vie est assez courte pour que nous ayons tous le droit de profiter du temps qui nous est imparti. N’êtes-vous pas d’accord ?
-Je... Partage votre avis...
-Patron ! Rien aux étages ! dit celui qui s’occupait de fouiller en haut
-Avez-vous un sous-sol monsieur Cid ?
-Ouais...
-Va au sous-sol !»
Sa conversation de *BIP* continue depuis une éternité. Je suis obligé d'acquiescer comme un con à chaque fois qu’il demande mon avis. Et l’autre qui fouille dans le sous-sol. Je transpire à grosse goutes, et je sens la sueur ruisseler sur mon front et tomber sur mes yeux. Les bruits en bas se font plus insistants. J’ai peur. Va-t-il la trouver ? Va-t-il trouver ma princesse ? Et l’autre qui continue à me parler... Oui, oui ducon, je suis d’accord. Qu’il demande à l’autre taré de me lâcher !
«-Patron !
-Quoi ? T’as trouvé quelque-chose ?
-Non patron ! J’ai cherché partout.
-Et arrête de m’appeler patron ! C’est ridicule !
-Oui... Monsieur Isaac...»
Je sens mes bras. Ils on été relâchés, comme ils m’ont manqué ! Je suffoque toujours autant, mais je suis heureux. Je n’aurais pas à me soucier d’elle. Elle a échappé au pire.
«-Veuillez-nous excuser encore une fois monsieur Cid. Mais c’est la procédure.»
Je ne réponds pas, j’essaie de me lever. J’essaie de m’appuyer sur la table, mais mes bras engourdis n’arrivent pas à me soulever.
«-Je suppose que mon homme a beaucoup dérangé vos pièces, mais veuillez nous comprendre...»
Il finit enfin par se lever.
«-Surt ! Edgar ! On rentre. Bonne journée monsieur Cid.»
Ils sortent, je me hisse et m’avachis sur le canapé. Je suis heureux. Le masque couvre le sourire béat sur mes lèvres.
Après avoir rangé mes affaires, je me suis couché.
Je me suis réveillé, comme à mon habitude, à neuf heures. Généralement je descend directement voir ma protégée. Mais aujourd’hui, j’ai peur. Et si ce comportement avait suscité de l’étonnement chez les voisins, au point de me suspecter ? Et si ils étaient encore en train de m’épier, ne me voyant pas être parti régler cette histoire sur la chaise hier ? Et si j’étais devenu la brebis galeuse du cartier ? Je ne connais pas beaucoup les voisins, juste les Nyxiens qui viennent frapper à la porte les dimanches. Quelle bande d’idiots. Dire qu’ils arrivent à séduire les plus grandes célébrités. Quelle connerie. De toute façon, aujourd’hui, la célébrité est plus rare. J’ai vu qu’avant les incidents, les acteurs, les chanteurs et tous les autres «culturaient» sans masques. Je me suis procuré un vieux film sur un vieux format de vidéo lors d’une brocante. Un disque bien encombrant, dans sa boîte de plastique. Je suis allé au marché où je me procure mes lampes pour plantes et j’ai trouvé un lecteur. Je l’ai acheté, je l’ai installé comme j’ai pu et j’ai regardé le film. C’était étrange. Je ne m’était pas habitué à voir un visage. Nous n’avons pas le moyen de voir celui des autres, masqués par ces aberrations de fer. Je ne connais même pas mon propre visage. Voir ces gens, avec ces proéminences disgracieuses m’a fait aimer mon époque. Nous ne nous concentrons plus sur la beauté. Pour nous, ce qui fait un homme ou une femme distingué, c’est son langage, ses vêtements et sa famille. Ce qui a fait du bien à la culture, c’est que, au lieu de se concentrer sur les visages angéliques des acteurs, comme ceux que j’ai vu dans le film, malgré leurs proéminences bestiales, nous nous sommes concentré sur le jeu. Et même si le métal cache les émotions, les acteurs se sont améliorés à faire passer leurs états d’âme par la voix. Les films sont désormais plus musicaux je trouve. Ca me rappelle que j’ai conservé le lecteur ainsi que quelques vidéos. Je devrais en chercher d’autres. Je sens que j’en apprendrai plus sur l’Avant, cela ,ne peut que me faire du bien. Maman me racontait souvent...
Non, arrêtons d’y penser.
Je ne me sens pas bien. Je me lève douloureusement de mon lit. Je manque d’air frais. Mais il faut que je planifie ma journée. Que vais-je faire ? Le plus important est de me comporter comme un américain basique. Que fait un américain ? Je suppose que je vais devoir allumer la télévision. Je descends les escaliers et je regarde piteusement l’écran. Je n’ai aucune envie de ressembler aux autres. Mais il le faut. Quelle *BIP*. Je suis sale de toute façon. J’y repenserai sous la douche.
Que faire ? Que faire ? Je ne veux pas regarder la télé toute la journée juste pour paraître comme un meilleur citoyen aux yeux des autres. Je veux juste être auprès d’elle. Et quel voisin m’a dénoncé ? Il doit être juste à côté. Ou alors... Ou alors c’est un alibi pour placer des micros et des caméras partout chez moi ! Oui ! La fouille n’était qu’une feinte ! Non... Je l’aurais remarqué en rangeant. Je me fais des idées. Je ne me sens vraiment pas bien.
Je suis propre, mais je me sens pas bien. Je suis descendu, et j’ai allumé la télé. Je la regarde depuis vingt minutes. Une chaîne d’infos. J’ai pris de la nourriture liquéfiée et je la sirote... Un animateur propre sur lui vient de prendre la relève après une longue page de pub aberrante.
«Bienvenue dans l’édition de 9h30 sur Fox News. Aujourd’hui, toute l’attention est centrée sur cette prise d’otage dans un super-marché de l’Ohio. Un jeune homme a pris en otage une dame d’une trentaine d’années. Aucune rançon pour le moment. Pour l’instant, les craintes d'exécution de l’otage sont très prises au sérieux. C’est la panique à New-York depuis qu’une tête démasquée a été trouvé en plein milieu de la cinquième avenue. Les policiers suspectent un adepte de l’Eglise de Nyx, et à 10h, nous aurons une interview exclusive du Gardien de la Religion, le docteur Works, représentant de l’Eglise de Nyx. La page Economique avec Brian Gibbons, plus fournie que d’habitude en raison du troisième jour de baisse consécutive pour les bourses Européennes. Les scandales révélés dernièrement ainsi que les diverses inondations qui ont eue lieu dans tous les pays en seraient la cause, nous reviendrons plus en détail à 9h45. La Chine en passe d’accorder des droits syndicaux pour toutes les entreprises de plus de 100 salariés. Néanmoins, la communauté internationale à peur d’un syndicat unique. Nous écouterons la déclaration du Président...»
Cette déprime que donnent les informations me tuent. Blablabla meurtre, blablabla récession, blablabla crise, blablabla catastrophe. Nous sommes en agonie depuis des générations. Nous mourons. C’est un fait. Nous naissons, vivons et mourons avec des masques. C’est ainsi. Et sont-ils vraiment efficaces ? Je sais, comme tout le monde, que si je l’enlève, les gaz rentrent en moi, détruisent les alvéoles de mes poumons, me font cracher du sang, etc... Mais, sont-ils totalement imperméables ? On nous dit toujours de laver nos masques, de changer tous les deux ans les filtres... On n’a plus eu de chiffre d'espérance de vie depuis les catastrophes. Tous les membres de ma famille sont morts à 70 ans.
Sauf maman.
Je m’ennuie. Je me sens mieux, sûrement grâce à la nourriture. Les infos continuent, mais je n’y prête attention. Par la fenêtre, je vois quelque chose qui me semble familier. Une voiture, noire, que j’ai vue hier. Elle ne vient pas d’ici, et elle est garée devant chez moi.
On sonne.
Où ai-je vu cette voiture ?
Je me déplace vers la porte, la personne parle.
«Mr Cid, c’est l’agent Garry Isaac»
Nous sommes encore une fois face à face dans le salon.
Il m’a dit qu’il devait me parler. Je n’avais pas le choix. Je lui ai proposé du café, il a refusé. Je n’en ai pas pris, et nous nous sommes assis. Aucun d’entre nous ne veut démarrer la discussion. La télé déblatère encore des choses déprimantes. L’agent semble captivé par cette dernière. Mais je n’en sais trop rien. Ca me semble juste évident, vu la discussion que nous avons eu hier.
«-Aimez-vous la télévision Mr. Cid ? me demanda-t-il.
-Non. Pas du tout. Je peux même dire que je la hais.
-Vous me surprenez. Mais néanmoins, vous l’allumez pour être au courant de ce qui se passe... Ne trouvez-vous pas qu’elle exerce une énorme influence sur notre société ?
-Je pense. Vivre sans aujourd’hui serait vivre comme un ermite. Il faut savoir s’en détacher et l’utiliser avec caution.
-Héhé... Une vraie boîte de Pandore. En être dépendant devient de plus en plus fréquent. Peut-être parce que on ne pratique plus d’activité physique suffisante.
-Je pense surtout que c’est à cause des mensonges qu’elle propage.
-Mensonges ?
-Pardonnez l’exemple, mais n’est-ce pas Hitler qui a dit que les foules croient plus facilement un gros mensonge qu’un petit.
-Je ne vous suis pas.
-Regardez...»
Je pointe du doigt le Gardien de la Religion qui est montré à l’occasion d’un reportage.
«-Nous avons là un gros menteur.»
L’agent rit très fort. Je souris sous mon masque. Cette personne est définitivement différente de moi.
«-Oui, tout à fait, dit-il. Il faut croire que notre ennemi avait raison.
-Pas sur tout monsieur, pas sur tout...
-Appelez moi Garry. Puis-je vous appeler Al ?
-Je trouve ça étrange pour un agent du gouvernement, mais allez-y.
-Merci Al. Finalement, je prendrai bien du café.
-Je vais vous en préparer. Expresso ?
-Très bien, merci.»
Il n’est pas comme moi, et il est différent du reste des gens. Et surtout du reste des agents du FBI. il faut que je le questionne sur sa venue. Oui, il n’est pas là par hasard. Il est venu car il a oublié de vérifier quelque part... Ou me faire tirer des aveux. Il essaie de me mettre en confiance. Je suis sur que ses hommes sont planqués quelque part. Je regarde par la fenêtre de la cuisine. Rien. Je suis con aussi ! Si ils se sont planqués, j’aurais vraiment du mal à les voir par cette fenêtre. Si ça se trouve, ils viennent d’entrer dans la maison. ils ont dût tout préparer à l’avance pour m’emmener avec eux rencontrer leurs patron. Chier. C’est prêt. Il faut que je prenne mon courage à deux mains et que j’aille lui porter son café. Si je me barre, je serais encore plus suspect, alors agissons comme un type normal.
Plus j’approche du salon, plus j’ai peur. Je ne tremble pas, je ne transpire pas, je reste calme. Mais je sens quelque chose dans mes tripes.
Rien de plus dans le salon. Cette sensation bizarre s’en est allée. Garry attends dans le canapé, et regarde la télé. Je lui sers son café, il me remercie.
«-Gary, puis-je vous demander quelque chose ?
-Allez-y.
-Pourquoi êtes-vous revenu ?»
Il sirote son café. Il ne parle pas, il semble profiter du goût.
«-Je suis venu m’excuser. Pas seulement pour vous avoir brutalisé, mais aussi car la fouille était une mise en scène. En effet, n’aviez-vous pas trouvé ça étrange que nous fouillions votre maison, sans vous emmener au poste et sans un équipe complète ? En fait, nous avons fait ça, car nous soupçonnons des résidents de ce quartier d’être des terroristes. Nous ne savions pas qui, alors nous avons pris quelqu’un au hasard histoire de faire passer le message. Êtes-vous sorti depuis hier ?
-Non.
-Je suis venu en civil pour faire les courses ce matin, et des dizaines de rumeurs courent sur la fouille.
-Je ne m'intéresse pas aux rumeurs.
-Je comprends. Mais néanmoins, le message est passé. Un vent de panique était très présent.»
Et tout d’un coup, je ris. Ca ne m’était pas arrivé depuis des siècles. J’ai ris, j’ai ris.
«-Rassuré ? me dit-il ?
-Non, mais j’ai repensé aux paroles d’Hitler...
-Effectivement, c’est très drôle.»
Il rit à son tour.
Je n’aime pas trop sortir. En ces jours d’hiver, il fait froid. Heureusement, il ne pleut pas.
Et je n’aime pas sortir à cause de ces gens. Malgré les routes défoncées, les trottoirs abîmés, les gens sortent. Il ne me faut que trente minutes pour aller là où je veux, mais je dois aller dans le centre-ville pendant quinze minutes.
Je suis souvent bousculé par les gens allant et venant. C’est très inconfortable. Par ailleurs, personne ne s’excuse. Tout le monde se presse pour aller je ne sais où. Ils sont tous là, à vaquer à leurs occupations... Dans cette foule, rare sont les gens qui semblent différents des autres. Tout ce que je vois là, c’est des bons citoyens.
Ils ont l’air aussi innocent que Gary. Je ne fais pas confiance à ces gens.
Où est là rue ? La foule est trop compacte. Et je n’aurais pas dût venir ici à trois heures. Mais je n’ai pas le choix. L’ampoule commence à grésiller, et si elle s’éteint, je peux dire adieux à ma princesse. Je n’ai jamais été fan de la technologie, mais cette fois là, elle m’a impressionné. Les plantes arrivent à vivre avec cette simple lampe.
Je repère la rue et m’y engage.
Au bout d’une petite dizaine de minutes, j’y arrive. Je suis devant la porte de son appartement. J’entre. Je le retrouve sur le pallier de son étage. Il discute avec une jeune femme. Il était habillé d’une chemise blanche et d’un jean. Il est très banal. Il me remarque.
«-C’est toi ? Entre.»
Je ne lui réponds pas. Il ouvre la porte et me précède.
Je jette un oeil à son appartement. Tout est parfaitement rangé. Ce n’est pas le genre de personnes que j’imaginerais avec un appartement rangé. Mais je ne lui ai jamais fait la remarque. Nos discussions se limitent à de simples formules de courtoisie.
«-Tu viens pour une lampe ?
-Oui
-Bon, je t’en sors une, attends ici.»
Et au bout d’une petite minute, j’en ai une dans ma poche. Et quelques secondes plus tard, mon porte-feuille est allégé. On se dit au revoir, et je me retrouve sur le pallier.
La jeune femme est là.
Je m'apprête à partir, mais elle me parle.
«-Al ? C’est toi ?»
Qui cela peut bien être ?
«-Tu... Tu te souviens de moi ?»
Sincèrement non, mais je laisse le silence s’établir entre nous.
«-C’est... C’est Emily. Au lycée tu te souviens ?
-Ah, oui, c’est toi. Je ne t’avais pas reconnue.»
Je ne sais pas du tout qui c’est. Ca me reviendra au fil de la discussion.
«-Tu... Tu connais Spencer ? Me dit-elle.
-Oui, je le connais un peu.
-Tu lui a... acheté quoi ?
-Une lampe, pour les plantes.»
Ca m’est sorti, tout seul sans réflexion. *BIP*, et si elle travaillait pour les fédéraux ? Et si elle était de mèche avec Gary ?
«-Tu as une plante ?»
Sa voix prends une expression étrange. Et ça me revient. Je me souviens d’elle.
On était au lycée ensemble. On était assis à côté, je ne sais plus pourquoi. Peut-être pour aucune raison particulière. Nous avons discuté d’auteurs, de livres, de théatre et de cinéma.
Aussi surprenant que cela puisse paraître, je suis sorti avec elle. Je ne me souviens pas comment c’était. Ca devait être banal.
Et elle a rompu pour être avec un mec plus sûr de lui.
Normal finalement.
«-Oui.»
Elle me regarda. Je vis soudain, au travers de la vitre du masque, ses yeux. Elle a toujours eu un léger strabisme, je trouve ça affreux.
«-Tu... Tu habites où ? Il faut que l’on se revoie, cela fait si longtemps. Tu fais quoi maintenant ?
-J’écris des livres.
-Ah, tu es auteur. C’est... Je suppose que c’est ce que tu voulais faire depuis toujours... Tu habites où ?
-Je te note ça.
-Tu pourrais noter ton numéro de téléphone, je te préviendrai pour ne pas passer à l’improviste.»
Je notai ça sur mon bloc notes, qui est toujours dans ma poche, avec le stylo qui me sert à écrire toute genre de choses.
«-Merci, me dit-elle.»
Je lui donne le papier, et elle descends les escalier, prétendant avoir un rendez-vous avec je ne sais qui.
Je rentre chez moi.
Je monte les escaliers, déposer mon manteau. Dans ma chambre, je regarde perplexe mon ordinateur. Je ne l’utilise plus, mon inspiration vacille. Bientôt, mes livres ne se vendront plus et je devrai trouver un travail.
J’ai repensé toute la nuit à cette histoire de livres.
A quatre heures du matin, je me suis levé, et j’ai allumé mon ordinateur. J’ai ouvert le traitement de texte et ai tapé ce que je pouvais. Dans un état second, je l’avoue.
J’ai écrit quelques lignes, puis, des dialogues. J’ai relu, et, insatisfait, j’ai tout supprimé. J’en ai assez des livres pour enfants. Il fallait que je trouve autre chose. Et puis, j’ai cherché un titre, pour ensuite guider toute mon écriture. A six heures, j’étais encore assis, à chercher un titre. J’ai décidé de prendre «Le petit théâtre des désespérés». J’avais quelques idées, et surtout une ligne directrice.
Il est dix heures, je m’arrête. Je regarde une dernière fois l’écran. Je suis toujours à l’acte I, mais je suis satisfait.
Je mange un petit-déjeuner. Je descends ensuite à la cave, et je change la lampe. Il était temps. Je retire mon masque, et je respire. L’air pénètre dans mes poumons. Mon corps se refroidit au contact de cet oxygène pur. Je tremble de plaisir. Un air frais et pur s’infiltre dans tous mes muscles. Mais je remonte assez vite. Il faut que je continue d’écrire.
A trois heures, j’ai avancé. C’est l’acte 2, et je suis de plus en plus satisfait. Ca va assez vite, je pense terminer ça à la fin du mois. Je ferai plusieurs pièces.
Le téléphone sonne. Je décroche.
«-Al ? C’est Emily...
-Ah, c’est toi.
-Oui, j’aimerais, venir dîner chez toi ce soir. Il faut que l’on parle... A huit heures, ça te convient ?
-Tu seras accompagnée ?
-Dieu, non.
-Alors, c’est parfait, à huit heures.»
Je suis allé faire les courses, la tête dans mes pensées. Je ne peux plus penser à autre chose qu’à mon travail d’écriture. Je prépare ce que je sais faire, une épaule d’agneau. C’est papa qui m’a appris.
Elle est arrivée à l’heure prévue. Je l’ai aidée à enlever son manteau, et on s’est assis dans le salon. On a pris l’apéritif. J’ai pris du whisky, elle du martini.
«-Alors,... Tu es auteur désormais ?
-Oui. J’écris des livres de contes pour enfants.
-Ah. Tu arrives à gagner ta vie ?
-Tout à fait. Mon dernier livre s’est bien vendu. Mais je ne te dis pas le titre. J’écris sous un pseudonyme.
-Tu pourrais tout de même me le dire.
-C’est que... Je préfère être discret.
-Tu n’as pas changé...»
Elle avale d’un trait son verre.
«-Toujours aussi discret. Et si peu sûr de toi.
-C’est un reproche ?
-C’est un trait de ton caractère. Tout le monde est différent.»
Nous nous regardons.
Le four sonne. Je la prie de se mettre à table.
«-Depuis quand as-tu une plante ?
-Je l’ai trouvée dans mon jardin. Il y a un an et quelques mois.
-Moi, ça va faire trois ans.»
On se regarde encore une fois. Je ne sais pas pourquoi, mais je ne suis pas étonné. Je me rappelle encore qu’elle était toujours différente. Toujours à vouloir faire autrement.
«-Hm... Je pensais pas que tu pourrais vivre différemment des autres.
-Laisse les reproches de côté. Mange avant que ce soit froid
-Essaie de détourner la conversation...»
Elle passe sa main dans ses longs cheveux châtains.
«-Heureusement que le repas est bon.
-Pourquoi ça ?
-Je ne te supporte plus depuis des années.
-Tu es moins timide qu’hier, c’est étrange.
-Hah, comme si ça changeait quoi que ce soit pour toi.»
Nous avons fini le repas en silence.Nous sommes toujours assis, devant nos assiettes. Le silence est pesant, et je la haïs de tout mon coeur.
«-Montre-la moi.
-Si tu y tiens.»
Je l’emmène à la cave. Nous ne nous disons mot. Une fois à l’intérieur, j’enlève mon masque. Elle fait de même, et respire. Nous apprécions tous deux le moment. Nous sommes là, à respirer cet air pur.
«-C’est un air agréable.
-Tout à fait... Mais je suppose que tu préfères l’air de ta plante.
-Je suis si prévisible ?»
Nous continuons à respirer. Les bruits sont sourds. Elle sort un paquet blanc de sa poche.
«-C’est du tabac. Tu connais ? T’en veux ?
-Ouais, ils en prennent dans les vieux films, mais je n’en prendrai pas.
-Si tu veux.»
Elle allume sa cigarette. Je tousse.
Nous sommes sept, sans masques, autour de cette table ronde dans la cave d’une voisine.
Emily avait insisté pour que je participe à une réunion de gens qui possèdent une plante dans le quartier. Je n’avais jamais été aussi déçu. Je ne suis pas plus unique que les gens qui sont là. Je suis pas le seul à avoir une plante et c’est désorientant. Moi qui me croyait seul...
La cave était fleurie et lumineuse. Des dizaines de pots de terre étaient éparpillés dans la salle. Des fleurs, des plantes, des arbrisseaux...
«-Nous sommes là pour accueillir un nouveau membre, dit Emily, prenant une bouffée de tabac. Il s’agit de Mr Cid, nous sommes des amis, si on peut le dire, de longue date.
-Vous possédez une plante, Mr Cid ? C’est surprenant.»
C’était Mathilda, la bibliothécaire. Je vais souvent à la bibliothèque et ai eu souvent l’occasion de lui parler. Une femme tellement banale.
«-Tout à fait. Depuis plus d’un an, dis-je.
-Comment connaissez-vous Emily ?
-Le lycée, nous...
-Nous étions des amis.»
Elle m’a coupé la parole. Elle ne semble pas apprécier qu’on soit sorti ensemble. Je la regarde.
«-Bien, dit un homme à ma droite.»
Il est chauve, et croise les bras depuis tout à l’heure.
Il regarde fixement la table d’un air mauvais. Je le connais, il fait ses courses au même endroit que moi, et on se croise souvent lorsque l’on porte nos courses vers notre maison. En effet, un super marché a ouvert il y a quelques mois dans le quartier. Je ne connais pas son nom néanmoins.
«-On va faire le tour de la table, et présenter les autres membres, dit Emily»
Il y avait Robert, épicier. Mathilda. Emily, évidemment. Sean, coiffeur, celui que je croise souvent. Quentin, auteur. Jane, chômeuse. Et moi.
«-Tu sais ce que l’on fait ? dit Quentin.
-Non. Je dois bien l’avouer.
-Et bien nous discutons et donnons nos conseils pour la culture des plantes.
-En parlant de ça, qu’avez-vous comme plante Mr Cid ? demande Mathilda.
-Je ne sais pas.
-Vous ne savez pas ? dit Jane.
-Non. C’est grave ?
-Et bien... C’est mieux.
-Donc, ce n’est pas obligatoire.»
Personne ne répond, mais tout le monde me regarde. Emily expulse la fumée de ses narines, en me regardant d’un air de résignation. Je tousse.
«-Et bien, Quentin, tu as des problèmes avec vos tulipes ? demande Sean.
-Oui, je crois que l’eau que je lui donne n’est pas bonne pour elle.
-Comment ça ?
-Vu l’air qu’on respire, je me pose des questions sur l’eau.
-Tu ne la filtre pas ?
-Non. L’eau est saine, alors pourquoi je devrais la filtrer ?
-Et tu les crois quand ils disent qu’ils réquisitionnent nos plantes pour notre bien ? dis-je.»
Il me regarde avec un air mauvais.
Pourquoi les gens sont hypocrites ? Pourquoi les gens ont confiance ? Nous ne sommes que des pions, que l’on sacrifie. On nous dit de croire en des mensonges, nous sommes tributaires de grands menteurs. Etat, religion, médias,... Tout est faux.
Emily me regarde, un rictus aux lèvres. Tout les regards, de toute manière, sont braqués sur moi. Je suis indésirable ? Déjà qu’être ici n’est pas une partie de plaisir.
«-Je pense que tu peux partir Al, me dit Emily. Si tu penses que nous sommes des révolutionnaires engagés, tu te trompe. Nous sommes juste là pour discuter. Nous ne sommes pas là pour exercer notre parano. Alors si tu veux faire exploser des gens, ou faire le héros, sache que tu t’affrontes à plus grand que toi. Tu finiras mangé, tout cru. Nous ne sommes pas les prédateurs. Alors, pars.»
Je me lève de ma chaise, met mon masque, et pars.
J’ai écrit tout le reste de la journée. J'ai recommencé mon texte. Il ne me satisfait plus.
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Acte 1
SCÈNE 1
Personnages
Un jeune homme.
Un deuxième.
La peur.
La colère.
Un bar. Deux jeunes garçons discutent. Ils ont la vingtaine et discutent de choses banales. Chacun boit une bière. Il y a deux autres tables occupées. Un couple et trois personnes. Ils ne font rien, et ne touchent pas à leur verres. Ils se regardent et ne parlent pas. Ils ne perturbent pas la conversation des deux jeunes hommes.
Au bout d’un moment, les deux hommes se taisent. Le premier lance la conversation :
Un jeune homme - Tu penses que ça va aller pour demain ?
Un deuxième - Oui. Mr Boxberger ne devrait pas trop gueuler.
Entre La Peur. La Peur est pâle, mais a un visage mauvais. Ses vêtement sont travaillés et beaux. Au fur et à mesure de la conversation, son visage prendra un rictus, de plus en plus visible. Elle s'assoit à la table des deux hommes. Elle susurre au premier avant que ce dernier ne parle, de telle façon que l’on doit penser qu’elle dicte ses paroles.
Un jeune homme - J’ai pourtant...
un deuxième - On le sait tous. Mais tu as été franc.
Un jeune homme - Mais j’ai quand même fait quelque chose de mal
Un deuxième - Je ne pense pas qu’il t’en voudra.
Un jeune homme - J’ai pris de l’argent à l’entreprise ! Ce n’est pas simple !
Un deuxième - On a tous fait des erreurs.
Entre la colère. Elle est grande, et habillée en rouge. Elle se tient devant la porte et ne bouge pas.
Un jeune homme - Je peux être envoyé aux flics ! Tu penses un peu à mon avenir ?
Un deuxième - Bien sûr.
Un jeune homme - Tu t’en fous en fait. Ca t’arrangerais bien que je m’en aille. Ca t’arrangerait bien hein.
Un deuxième - Mais enfin, tu ne penses quand même pas que je suis aussi désintéressé ? C’est grave ce qui se passe.
Un jeune homme - Puisque t’en as rien à foutre, je m’en vais.
Un deuxième - Va exercer ta parano ailleurs. Tu verras bien demain.
Le jeune homme se lève et s’en va. La colère lui ouvre la porte. La peur le suit, peu de temps après.
Fin de la première scène
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La fraîcheur entre dans mes narines, la chaleur descend le long de ma gorge. Je repose le verre sur la table. Je fixe ma princesse. Elle grandit, jour après jour. Je ne peux m’empêcher de la regarder chaque jour, la voir grandir. C’est mon enfant. Je reprends une gorgée. Le verre touche mes lèvres, et c’est une sensation incroyable que je ressens. Peu de gens peuvent se targuer de sentir les objets sur leurs visages, de boire le verre collé au visage. Ce que j’aimerais expérimenter, c’est la nourriture. La vraie. Le steak gras et rouge dans une assiette. Ruisselant de graisse, saignant et dont la cuisson nous demande temps et maîtrise. Un steak que l’on mage avec ses dents. Pas un steak bouilli avec des légumes dans un gobelet, digne d’un gobelet de milk-shake qu’il faut boire. Je veux sentir l’aliment, je veux mordre la vie. Je veux sentir l’animal que je mange, et non pas la machine qui l’a broyé. Je veux être capable de me sentir, broyer cette chair qu’on m’offre sur une assiette. J’aimerais que le monde soit comme avant. Ces masques sont un poison, pire que cet air. Cet air qui nous est impossible de respirer sans avoir de cancer dans la minute. Cet air oriental. Cet air que nous n'avons pût contrôler. Le nucléaire a été notre énergie et notre mort, à tous. L'Iran n’a jamais voulu arrêter son programme nucléaire, et ils ont payé les frais. Combien de pays ont été anéantis ? Six ? Sept ? Reste-t-il encore es européens en bonne santé par ailleurs ? Et l’Afrique ? Qui y habite encore ? Plus d’enfants, plus de pauvres, peut-être des gens profitant du pétrole et des diamants. Voila tout ce qu’il reste. Nous, américains sommes les plus chanceux. Le nuage a mis 3 semaines pour venir, le temps pour nous de nous préparer. Cela fait combien de temps maintenant ? 100 ans environ non ? Ah ! Et en plus, nous avons tous stagné ! Quand je revois les films, rien n’est différents. Voitures, bâtiments,... Tout ce qui nous différencie, c’est nos masques, et notre alimentation. Quelle connerie. Je reprends à boire. Je me sens unique. Je ne le suis pas exactement, mais qu’importe ! Cette *BIP* d’Emily croit vivre au paradis, avec son groupe. Si nous avons une plante, nous sommes différents. Réfléchir. Nous sommes pas comme les autre. Mais peut-être suis-je unique. Suis-je le seul à réfléchir ce qui se passe ? Suis-je le seul de ce monde à vouloir goûter un steak solide ? Vouloir utiliser mes dents pour manger et non pas pour grincer ? Et d’ailleurs, à quoi peuvent-elles nous servir si on ne mange rien de solide ? A quoi sert notre nez si on ne peut respirer cet air qui nous entoure ? Sommes-nous utiles ? Je finis mon verre d’un trait. Je frissonne. Maman ne m’approuverait pas. Mais je n’ai jamais approuvé maman. Quelle aille se faire foutre, elle n’est plus qu’un souvenir. Un souvenir croupissant loin d’ici. Elle a tué papa, elle ne doit pas être dans mes pensées...
Ma princesse est là pour me faire penser à autre chose. Ma belle princesse. Se sa robe verte, elle me regarde. Moi, je la contemple. Sous son soleil artificiel elle grandit, et elle est témoin de toutes mes attentions.
Pourtant, je suis perdu. L’alcool ? Sûrement.
Je ne sais plus quoi faire. Mon verre se vide de plus en plus vite. Je stresse. Je respire de plus en plus fort. Et si ma vie était découverte ? Je ne sais pas si je pourrais me cacher plus longtemps. Et puis, et si les autres prétentieux me dénonçaient ? On ne peux pas les croire. Je les hais ! Je la hais !
Je finis mon verre d’un trait et je suis pris d’énormes frissons.
Je veux remonter là haut m’en refaire un, mais mes mouvements sont aléatoires, je m’appuie sur le dossier de ma chaise et traîne mon poids. Mes épaules me paraissent lourdes. J’avance vers la porte. Je prends la peine de l’ouvrir et la fermer méticuleusement, mais mes mouvements sont comme lents. Je monte les marches, je pousse la dalle, sors, la remets. Je me déplace vers la cuisine. Le miroir du salon me contemple, et en lui lançant un regard, je comprends l’enfer de ma situation.
Mon visage était visible. Complètement. Mon masque n’était plus là. Mon visage était là, me regardait. Ces yeux dont je ne voyais pas la couleur, cette bouche qui n’a jamais montré un semblant de son apparence, ce nez caché sous les masques. Je me rapproche du miroir. Mes yeux bleus regardent ceux de mon double. Je touche mon visage, examine ses formes. M’habitue aux creux, aux bosses. Me surprends à découvrir sa texture.
Mais très vite, tout devient infernal. Je sens. Tout autour de moi, les odeurs m’assaillent. Une odeur dense, forte. Ma maison ? Ma propre odeur ? Ce gaz qui nous entoure ?
Je n’en sait rien, je commence à suffoquer. Je tousse. Une odeur nouvelle. Que je ne connais pas. Elle est partout, rentre en moi, m’attaque les narines, force l’accès et remonte jusqu’à mon cerveau. L’air frais de la cave ! L’air frais de la cave ! Ma princesse !
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Cela fait deux jours que je me regarde dans le miroir sans arrêt. Je me regarde, mais je ne ressemble plus à ce que j’ai vu.
Mais j’ai peur. J’ai perdu mon masque, quelques minutes, et je ne sais pas quelles en sont les conséquences. Mes poumons doivent être touchés. L’air doit être rentré dedans, et je ne sais pas comment ça pourrait finir. On parle souvent de cancers, très puissants, que les thérapies ne peuvent affronter.
Et j’ai vu mon visage.
J’ai passé deux jours à taper, retaper, et recommencer mon texte. J’ai passé des heures assis devant l’écran, sans jamais être satisfait. Ma rage d’écrire n’a pas aboutit. Je suis planté sur la première scène, à la retoucher entièrement.
Je ne cherche plus à comprendre. Je me suis décidé ce matin d’arrêter. Je vais sortir. Je ne sais pas où. J’ai besoin de sortir, mais j’en ai peur. J’ai peur de vouloir chercher le visage sous les masques que je croise. J’ai peur de me poser trop de questions...
Je m’ennuie.
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Chaps 1 à 7 (Et demi)
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North Crosset
5 juin 2009
Les mouches noires virevoltent autour de cette masse affalée par terre. Il est tôt pour ces insectes, mais ils sentent l’odeur amère de la chaire morte. Il est six heures du matin, et nous sommes quatre à regarder cette scène. On entend leurs bruits se renforcer au fur et à mesure de leur arrivée sur ce corps refroidi et bouffé par vers et mouches de toutes sortes. Cette danse macabre continue sous nos yeux indifférents. Jacky Silverburgh était mort depuis plusieurs heures. Le sang s’était figé sur sa chemise à carreau rouge. L’herbe avait pris la couleur de l’hémoglobine. Un meurtre commis sobrement. Quatre coups de couteau. Peut-être plus. Nous contemplons cette oeuvre humaine.
«-Je l’ai, trouvé comme ça... Les mouches en moins, bien évidemment»
Mme Silverburgh est veuve. Elle semble aussi veuve de ses sentiments. Elle reste impassible. Le corps refroidi de son mari ne semble pas la choquer ; loin de là. Comme une fatalité. S’y attendait-elle ? Aucun d’entre nous ne connaît le couple, et l’étudier semble intéressant. Je détache mes yeux de Mr Silverburgh et sort mon carnet.
«-A quelle heure l’avez-vous trouvé ?
-Je suis rentré du travail à trois heures. Je travaille au bar en bas de la rue. Je devais ranger, donc j’ai pris plus de temps que prévu.
-Cela est dans vos habitudes ?
-Je rentre tous les soirs entre une et trois heures, effectivement. Sauf le Dimanche, je rentre à onze heures.»
Mme Silverburgh a appelé le standard à 3h30, cela concorde. Elle a dût le chercher et le trouver comme cela. Nous somme arrivé ici il y a une demi-heure. Il n’y avait plus d’enquêteur au poste, qui se situe assez loin de North Crosset. Nous sommes trois, deux enquêteurs (moi : Travis Bunch, et Frederic Cohen) et un simple agent de police (Brian Klaw), venu car il connaît la ville.
«-Vous ne semblez pas vraiment surprise Mme Silverburgh, dit Frederic
-Non, pas vraiment.
-Pourquoi donc ? demandais-je
-Demandez au voisinage. Peu de gens l’aimaient.
-Et vous ?»
Elle tira une bouffée de sa cigarette. Elle ne répondra pas. Nous sommes dans un cas classique. Un meurtre, et trop de suspects.
«-Nous allons interroger les voisins bientôt, dit Frederic. Brian ? Tu peux inspecter le jardin pour trouver des preuves ?
-Bien sûr monsieur.
-Avez-vous trouvé l’arme du crime madame ? demandais-je
-Non. Je n’ai pas vraiment cherché non plus.»
On peut dire une chose, il n’y a aucune trace de lutte. La victime et le criminel se connaissaient, ou la victime l’avait laissé rentré tout en sachant que c’était un inconnu. L’herbe bouge légèrement, suivant le vent frais du matin. Je me tourne vers la maison. Une maison simple, discrète au milieu des autres. La porte fenêtre donne sur une terrasse, minuscule. Une table, deux canapés d’extérieur, un parasol. Des verres sont restés sur la table. La victime et son assassin ont bu ensemble, sans aucun doute. Plus qu’à espérer pour des empreintes.
«-Votre mari buvait ?
-Oui, pas mal.
-Fumait ?
-Oui, pas mal.
-Frederic ? Examine les verres sur la table. On aura sûrement des empreintes.
-Hm, ouais, j’y vais»
Je retourne au cadavre. Je me baisse pour l’examiner. Ses yeux blancs me dévisagent. Qu’à t’il vu ? Que s’est-il passé ? Il ne le dira jamais. Bien dommage. Je mets mes gants en latex. J’examine son bras. Aucun coup, aucun bleu. Sa main droite m’intrigue. Il y a de l’encre sur certains doigts. A t’il écrit une lettre récemment ? Je le note dans mon carnet.
«-Votre mari avait-il l’habitude d’envoyer des lettres ?
-Oui. En ce moment plus qu’avant. Il était au chômage et essayait de convancre les futurs employeurs. On a pas internet ici vous savez.
-Il a écrit quelque chose avant de mourir. Il a de l’encre sur les doigts.
-Je vais chercher dans le bureau»
Elle rentre à l’intérieur.
«-Monsieur Bunch ?
-Oui Brian ?
-Je n’ai rien trouvé. Pas de traces, pas de sang, pas d’armes, rien.
-Bien. Frederic ?
-Ouais ?
-Des empreintes.
-Oui, sur seulement un verre, et je suppose que c’est celui de la victime.
-Bon, tant pis. Je vais retrouver Mme Silverburgh, on va poser quelques questions aux voisins ensuite.»
L’assassin connaissait la victime, n’a laissé aucune trace, a emporté l’arme du crime. Il est ordonné et froid. Il semble qu’il n’a pas paniqué. Mais si la victime avait beaucoup d’ennemis, beaucoup de gens l’auraient tué de sang froid. D’ailleurs, je pourrais imaginer sa femme dans la place de l’assassin. Mais je n’ai pas de preuves. Et puis, si son alibi est vérifié...
Je rentre dans la maison au fil de mes pensées. Il m’a semblé voir Mme Silverburgh aller dans le couloir de droite quand elle est partie au bureau. Je suis sa trace. Je traverse le salon, et arrive dans le couloir. Il est petit, étroit, et débouche sur une porte entrouverte. La lumière orangée d’une lampe émane de l'entrebâillement. J’avance patiemment vers le fond du couloir. Je pouvais entendre Mme Silverburgh fouiller dans les papiers de son mari activement. J’ouvre la porte.
«-Vous êtes là ? me dit-elle
-Nous avons fait ce que nous avions à faire madame. Le camion de la morgue devrait arriver à neuf heures. Nous allons enquêter auprès du voisinage.
-Si je peux vous conseiller, je vous dirais de ne pas réveiller les gens du quartier pour ça. Allez voir au bar. C’est sur West Pierce Street. C’est le Deer Hunter.
-On pourra y vérifier votre alibi ?
-Pas à cette heure là. En tout cas, là bas, présentez-vous au barman, décrivez la situation et demandez si des gens de la ville sont là. Le bar est souvent fréquenté par les routiers, ça explique mes horaires assez flexibles.
-On le fera madame. Avez-vous trouvé une lettre récente ?
-Pas que je sache.
-Prévenez-nous si vous en trouvez une, c’est important.»
Je sors du bureau. Frederic et Brian m’attendent à l’entrée.
«-Brian ? Tu connais le Deer Hunter ? ai-je demandé
-Non.
-C’est le bar de madame Silverburgh.
-Quelle rue ?
-West Pierce Street.
-Je vois où c’est.
-On va te laisser conduire, sortons.»
Une fois sortis de la maison, Frederic regarde par terre et me dit :
«-On a manqué quelque chose Travis...
-Où ?
-Par terre... Du sang.»
Frederic avait raison, quelques gouttes de sang étaient disséminées sur l’herbe près du chemin menant à la rue. Juste quelques petites gouttes. Quelques brins d’herbe rouges sang. Brian se pencha et l’examina.
«-Rien à en tirer, je ne vois aucune trace de pas claire en dessous, aucun objet... dit-il
-En tout cas, c’est celui de Jacky Silverburgh, dit Frederic. Pas besoin de s’attarder alors, allons au Deer Hunter. Tiens, attrape les clés.»
Brian prend les clés et rentre dans la voiture de fonction. Je m’installe à l’arrière. Je contemple mon reflet. Mes cheveux blonds sont en bataille, ma barbe n’a pas été rasée, mes yeux sont fatigués. Je n’ai plus le sommeil depuis des semaines. Je n’ai plus la tête à rien. Même mon 39ème anniversaire ne m’a pas donné envie de continuer. Le boulot prend tout mon temps, et je serai incapable de rentrer à Warren avant quelques jours. Nous allons dormir à l’hôtel de la ville, et repartir d’ici deux jours, voire trois. Je ne suis pas convaincu de ce que j’ai entendu jusqu’à présent. Un homme ne peut pas être haï par tout son village. Mais si c’est vraiment le cas, la liste de suspects risque d’être très longue.
Brian démarre le véhicule.
«-On en a pour une minute, tout au plus, dit-il.
-Sérieusement, vous en pensez quoi de cette affaire ? ai je demande.
-Sérieusement ? dit Frederic. Ca pue. Sa femme n’en a rien à carrer de sa mort et nous a pas dit grand chose. Et puis, pourquoi tu l’as laissée seule dans le bureau ? Elle aurait pu cacher quelque chose.
-Elle aurait planqué les verres. Et je pense pas qu’on aurait vu du sang à l’extérieur si elle l’avait tué.
-On ne sait même pas quand il a été tué je te rappelle. Elle peut partir du bar et revenir quand elle veut, c’est le sien.
-Et toi, t’en penses quoi Brian ?
-Pour le moment, on ne peut rien conclure. C’est ça le problème, on a rien... On est arrivés.»
Brian gare la voiture en face du bar.
«-Et puis pourquoi faire ce qu’elle à dit ? réplique Frederic. Pourquoi aller au bar alors qu’on pourrait réveiller les voisins ?
-Parce qu’on réveillerait les voisins. On va essayer de se faire discret pour le moment.
-Et pourquoi ?
-En campagne, ils sont du genre... A être très vite vexés.»
On sort tous trois de la voiture.
Je tiens à signaler que si North Crosset existe véritablement, les lieux et les personnages sont fictifs. Les rues néanmoins ont gardé leur vrai nom ;)
Dernière édition par AC!D le Mar 20 Déc 2011 - 16:46, édité 23 fois
Chapitre I :
Chapitre I
Je serais capable de rester des heures ici. A contempler mon bijou, mon trésor. Chaque fois que je pense à quelque chose, c’est pour elle. La salle obscure, ne possédant pas de fenêtre, est seulement éclairée par cette lampe spéciale donne un air religieux à la pièce. Les quelques meubles empilés ici et là sont couverts de poussière, mais qu’importe, je ne leur prête aucune attention. Je reste seulement fixé sur ma bien-aimée. Je respire l’air à plein poumon. Il est pur. Il s’infiltre dans mes poumons, j’apprécie sa fraîcheur. C’est le seul endroit où je peux encore le faire. Je pense au jour où je l’ai eue. Une vraie merveille ! Elle était là, à essayer de ne pas céder à la mort dans mon jardin. Qui aurait cru qu’il existait encore de tels miracles de la nature. Surtout de par ces temps obscurs. Elle a tellement grandi depuis. Elle n’a pas vraiment changé pour autant. Je la reconnais toujours. Elle est unique. Elle est la seule occasion pour moi de sortir de ce masque sans risquer la mort. Dire que même dans mon salon l’air est irrespirable.
On sonne. Je suis obligé de me séparer d’elle, et sûrement pour ouvrir la porte à un de ces psychopathes de l’Eglise de Nyx. Le monde est déjà assez mal pour en prédire la fin. D’ailleurs, je suppose que la fin est là depuis longtemps. Je me lève de ma chaise, je prends mon masque et l’enfile sur ma tête. La respiration qu’il me donne me fend le coeur, l’air pur me manque déjà. J’ouvre la porte et je monte les escaliers. Comme à mon habitude, je soulève la plaque en fer au plafond, je grimpe à l’échelle sur le mur, je sors, je referme et je déplace mes cartons dessus. On re-sonne. Je crie :
«-J’arrive !»
Mais il n’a pas dû m’entendre, le masque diminue le son des voix, le rends saturé. Il re-sonne.
Une fois à l’entrée, j’ouvre.
«-Monsieur Cid ?»
C’était un homme, de petite taille, avec un chapeau haut de forme, qui ne montait pas très haut. Costume noir, chemise blanche à rayures grises et cravate noire. Masque à gaz propre. Un homme certainement distingué. Il ne semble pas venir de l’Eglise.
«-Tout à fait
-Nous devons vous parler»
Le nous m’inquiète. En prononçant ces mots, deux hommes en costume gris, venant de la gauche, se dirigent vers l’entrée. Ils me fixent. Malgré que le masque recouvre leurs yeux, je sais qu’ils me fixent. Le petit se racle la gorge. Je n’avais pas remarqué qu’il avait sortie sa plaque. Il y était marqué Federal Bureau of Investigation. Que viennent foutre des agents fédéraux ici ?
«-Je suppose que je n’ai pas d’autre choix que de vous faire entrer, dis-je.
-Vous supposez bien. Mes subalternes m’accompagnent.»
L’ambiance est tendue. Nous sommes assis face-à-faces. Nos respirations sont les seules à briser le silence. Ma tasse de café fumante reste sur la table, je n’ose y toucher.
«-Mr Cid, la loi est faite pour nous protéger, vous et moi, dit-il.
-J’en suis conscient»
C’est quoi son truc à la con ? Que veut-il ? Que me veulent-ils ?
«-Nous sommes d’accord sur ce point.
-Qui ne l’est pas ?
-Nous avons des dizaines de criminels notoires qui ne partagent pas cet avis.
-C’est bien dommage.
-Vous savez, ils ont leurs raisons de ne pas croire en la loi»
Je l’entends soupirer sous son masque.
«-Cela ne les pardonne pas, répondis-je.
-Evidemment non. Mais la loi est faite pour être remise en cause.
-En effet, si la loi ne s’adapte pas, où irait le monde ?
-Personne ne le sait. Si, peut-être les européens. Cela fait longtemps que leurs gouvernements cherchent à tout prix à écarter l’Eglise de leur pays et des hautes sphères. Mais ils se heurtent au fait que l’Eglise est plus forte qu’eux. La chasse à l’homme là-bas est terrible.
-En effet. Je suis fier que notre pays ait accepté leur présence pour ne qu’ils complotent pas contre nous.
-L’Europe va à sa perte...»
Le silence revient dans le salon. Je porte la tasse à mes lèvres de métal. Les trous filtrant altèrent le goût du café, comme à leur habitude.
«-Mais vous devez savoir pourquoi nous somme là, n’est ce pas...
-Vous n’êtes pas là pour parler de l’Europe ?
-Malheureusement non, et pourtant, cette discussion m’a plu.»
Il soupire encore. Le regard des deux autres continuent de me fixer.
«-Vous n’avez vraiment aucune idée pourquoi ?
-Je suis désolé... Ai-je fais quelque chose de mal ?»
J’aspire de nouveau du café. J’en renverse un peu sur ma chemise.
«-Veuillez excusez nos manières... Surt ! Chope-le !»
Le plus grand se lève et me saute dessus. Il me tient et je ne peux pas m’opposer. Ses deux mains me serrent les bras. Il me plaque à terre, le ventre au sol, et soulève mes bras vers le plafond.
«-Nous sommes ici car un de vos voisin soupçonne que vous possédez une plante chez vous. Nous avons ordre de fouiller votre maison, dit-il, toujours assis sur le canapé. Edgar, va fouiller l’endroit.»
Sans un mot, l’autre se lève et monte à l’étage.
Ma respiration couvre les bruits que fait l’agent en haut. J’halète, et dès que j’esquisse un mouvement, le grand me tord les bras.
«-Avez-vous entendu parler de la loi Kirijima au Japon monsieur Cid ? dit alors leur chef.
-Non... dis-je en suffoquant.
-Après leur grave crise économique, le Japon à décidé d’interdire toute menace de rébellion contre le gouvernement. La loi Kirijima, du nom d’un ministre de je ne sais plus quoi, interdit tout groupe religieux autre que le Shintoïsme et le Bouddhisme. Les Catholiques, les Juifs et tout les autres ont été bannis du Japon, ou convertis par la force. Mais devinez qui, aujourd’hui, a le droit de créer des lieux de culte et a le droit de faire des grands rassemblements ?
-Laissez... J’ai deviné... Vous faites mal ! dis-je à celui que me tenait avec force, et qui en profite pour me faire encore plus mal.
-Je veux bien croire que NOUS ayons fait des erreurs, regardez-nous avec nos masques pathétiques, mais je ne peux pas croire que tout ça conduira à la fin du monde. Leurs théories sont farfelues. Nyx, grand sauveur et grand rédempteur descendra sur Terre et ôtera la vie à tout être et emmènera ses fidèles en haut des cieux. J’ai déjà un dieu qui me demande une vie de partage, puis m’offre une vie éternelle dans l’au delà. Je ne demande pas qu’un autre prenne la vie de mes futurs gosses sous prétexte que c’est l’heure de crever. Notre vie est assez courte pour que nous ayons tous le droit de profiter du temps qui nous est imparti. N’êtes-vous pas d’accord ?
-Je... Partage votre avis...
-Patron ! Rien aux étages ! dit celui qui s’occupait de fouiller en haut
-Avez-vous un sous-sol monsieur Cid ?
-Ouais...
-Va au sous-sol !»
Sa conversation de *BIP* continue depuis une éternité. Je suis obligé d'acquiescer comme un con à chaque fois qu’il demande mon avis. Et l’autre qui fouille dans le sous-sol. Je transpire à grosse goutes, et je sens la sueur ruisseler sur mon front et tomber sur mes yeux. Les bruits en bas se font plus insistants. J’ai peur. Va-t-il la trouver ? Va-t-il trouver ma princesse ? Et l’autre qui continue à me parler... Oui, oui ducon, je suis d’accord. Qu’il demande à l’autre taré de me lâcher !
«-Patron !
-Quoi ? T’as trouvé quelque-chose ?
-Non patron ! J’ai cherché partout.
-Et arrête de m’appeler patron ! C’est ridicule !
-Oui... Monsieur Isaac...»
Je sens mes bras. Ils on été relâchés, comme ils m’ont manqué ! Je suffoque toujours autant, mais je suis heureux. Je n’aurais pas à me soucier d’elle. Elle a échappé au pire.
«-Veuillez-nous excuser encore une fois monsieur Cid. Mais c’est la procédure.»
Je ne réponds pas, j’essaie de me lever. J’essaie de m’appuyer sur la table, mais mes bras engourdis n’arrivent pas à me soulever.
«-Je suppose que mon homme a beaucoup dérangé vos pièces, mais veuillez nous comprendre...»
Il finit enfin par se lever.
«-Surt ! Edgar ! On rentre. Bonne journée monsieur Cid.»
Ils sortent, je me hisse et m’avachis sur le canapé. Je suis heureux. Le masque couvre le sourire béat sur mes lèvres.
Chapitre II :
Chapitre II
Après avoir rangé mes affaires, je me suis couché.
Je me suis réveillé, comme à mon habitude, à neuf heures. Généralement je descend directement voir ma protégée. Mais aujourd’hui, j’ai peur. Et si ce comportement avait suscité de l’étonnement chez les voisins, au point de me suspecter ? Et si ils étaient encore en train de m’épier, ne me voyant pas être parti régler cette histoire sur la chaise hier ? Et si j’étais devenu la brebis galeuse du cartier ? Je ne connais pas beaucoup les voisins, juste les Nyxiens qui viennent frapper à la porte les dimanches. Quelle bande d’idiots. Dire qu’ils arrivent à séduire les plus grandes célébrités. Quelle connerie. De toute façon, aujourd’hui, la célébrité est plus rare. J’ai vu qu’avant les incidents, les acteurs, les chanteurs et tous les autres «culturaient» sans masques. Je me suis procuré un vieux film sur un vieux format de vidéo lors d’une brocante. Un disque bien encombrant, dans sa boîte de plastique. Je suis allé au marché où je me procure mes lampes pour plantes et j’ai trouvé un lecteur. Je l’ai acheté, je l’ai installé comme j’ai pu et j’ai regardé le film. C’était étrange. Je ne m’était pas habitué à voir un visage. Nous n’avons pas le moyen de voir celui des autres, masqués par ces aberrations de fer. Je ne connais même pas mon propre visage. Voir ces gens, avec ces proéminences disgracieuses m’a fait aimer mon époque. Nous ne nous concentrons plus sur la beauté. Pour nous, ce qui fait un homme ou une femme distingué, c’est son langage, ses vêtements et sa famille. Ce qui a fait du bien à la culture, c’est que, au lieu de se concentrer sur les visages angéliques des acteurs, comme ceux que j’ai vu dans le film, malgré leurs proéminences bestiales, nous nous sommes concentré sur le jeu. Et même si le métal cache les émotions, les acteurs se sont améliorés à faire passer leurs états d’âme par la voix. Les films sont désormais plus musicaux je trouve. Ca me rappelle que j’ai conservé le lecteur ainsi que quelques vidéos. Je devrais en chercher d’autres. Je sens que j’en apprendrai plus sur l’Avant, cela ,ne peut que me faire du bien. Maman me racontait souvent...
Non, arrêtons d’y penser.
Je ne me sens pas bien. Je me lève douloureusement de mon lit. Je manque d’air frais. Mais il faut que je planifie ma journée. Que vais-je faire ? Le plus important est de me comporter comme un américain basique. Que fait un américain ? Je suppose que je vais devoir allumer la télévision. Je descends les escaliers et je regarde piteusement l’écran. Je n’ai aucune envie de ressembler aux autres. Mais il le faut. Quelle *BIP*. Je suis sale de toute façon. J’y repenserai sous la douche.
Que faire ? Que faire ? Je ne veux pas regarder la télé toute la journée juste pour paraître comme un meilleur citoyen aux yeux des autres. Je veux juste être auprès d’elle. Et quel voisin m’a dénoncé ? Il doit être juste à côté. Ou alors... Ou alors c’est un alibi pour placer des micros et des caméras partout chez moi ! Oui ! La fouille n’était qu’une feinte ! Non... Je l’aurais remarqué en rangeant. Je me fais des idées. Je ne me sens vraiment pas bien.
Je suis propre, mais je me sens pas bien. Je suis descendu, et j’ai allumé la télé. Je la regarde depuis vingt minutes. Une chaîne d’infos. J’ai pris de la nourriture liquéfiée et je la sirote... Un animateur propre sur lui vient de prendre la relève après une longue page de pub aberrante.
«Bienvenue dans l’édition de 9h30 sur Fox News. Aujourd’hui, toute l’attention est centrée sur cette prise d’otage dans un super-marché de l’Ohio. Un jeune homme a pris en otage une dame d’une trentaine d’années. Aucune rançon pour le moment. Pour l’instant, les craintes d'exécution de l’otage sont très prises au sérieux. C’est la panique à New-York depuis qu’une tête démasquée a été trouvé en plein milieu de la cinquième avenue. Les policiers suspectent un adepte de l’Eglise de Nyx, et à 10h, nous aurons une interview exclusive du Gardien de la Religion, le docteur Works, représentant de l’Eglise de Nyx. La page Economique avec Brian Gibbons, plus fournie que d’habitude en raison du troisième jour de baisse consécutive pour les bourses Européennes. Les scandales révélés dernièrement ainsi que les diverses inondations qui ont eue lieu dans tous les pays en seraient la cause, nous reviendrons plus en détail à 9h45. La Chine en passe d’accorder des droits syndicaux pour toutes les entreprises de plus de 100 salariés. Néanmoins, la communauté internationale à peur d’un syndicat unique. Nous écouterons la déclaration du Président...»
Cette déprime que donnent les informations me tuent. Blablabla meurtre, blablabla récession, blablabla crise, blablabla catastrophe. Nous sommes en agonie depuis des générations. Nous mourons. C’est un fait. Nous naissons, vivons et mourons avec des masques. C’est ainsi. Et sont-ils vraiment efficaces ? Je sais, comme tout le monde, que si je l’enlève, les gaz rentrent en moi, détruisent les alvéoles de mes poumons, me font cracher du sang, etc... Mais, sont-ils totalement imperméables ? On nous dit toujours de laver nos masques, de changer tous les deux ans les filtres... On n’a plus eu de chiffre d'espérance de vie depuis les catastrophes. Tous les membres de ma famille sont morts à 70 ans.
Sauf maman.
Je m’ennuie. Je me sens mieux, sûrement grâce à la nourriture. Les infos continuent, mais je n’y prête attention. Par la fenêtre, je vois quelque chose qui me semble familier. Une voiture, noire, que j’ai vue hier. Elle ne vient pas d’ici, et elle est garée devant chez moi.
On sonne.
Où ai-je vu cette voiture ?
Je me déplace vers la porte, la personne parle.
«Mr Cid, c’est l’agent Garry Isaac»
Chapitre III :
Chapitre III
Nous sommes encore une fois face à face dans le salon.
Il m’a dit qu’il devait me parler. Je n’avais pas le choix. Je lui ai proposé du café, il a refusé. Je n’en ai pas pris, et nous nous sommes assis. Aucun d’entre nous ne veut démarrer la discussion. La télé déblatère encore des choses déprimantes. L’agent semble captivé par cette dernière. Mais je n’en sais trop rien. Ca me semble juste évident, vu la discussion que nous avons eu hier.
«-Aimez-vous la télévision Mr. Cid ? me demanda-t-il.
-Non. Pas du tout. Je peux même dire que je la hais.
-Vous me surprenez. Mais néanmoins, vous l’allumez pour être au courant de ce qui se passe... Ne trouvez-vous pas qu’elle exerce une énorme influence sur notre société ?
-Je pense. Vivre sans aujourd’hui serait vivre comme un ermite. Il faut savoir s’en détacher et l’utiliser avec caution.
-Héhé... Une vraie boîte de Pandore. En être dépendant devient de plus en plus fréquent. Peut-être parce que on ne pratique plus d’activité physique suffisante.
-Je pense surtout que c’est à cause des mensonges qu’elle propage.
-Mensonges ?
-Pardonnez l’exemple, mais n’est-ce pas Hitler qui a dit que les foules croient plus facilement un gros mensonge qu’un petit.
-Je ne vous suis pas.
-Regardez...»
Je pointe du doigt le Gardien de la Religion qui est montré à l’occasion d’un reportage.
«-Nous avons là un gros menteur.»
L’agent rit très fort. Je souris sous mon masque. Cette personne est définitivement différente de moi.
«-Oui, tout à fait, dit-il. Il faut croire que notre ennemi avait raison.
-Pas sur tout monsieur, pas sur tout...
-Appelez moi Garry. Puis-je vous appeler Al ?
-Je trouve ça étrange pour un agent du gouvernement, mais allez-y.
-Merci Al. Finalement, je prendrai bien du café.
-Je vais vous en préparer. Expresso ?
-Très bien, merci.»
Il n’est pas comme moi, et il est différent du reste des gens. Et surtout du reste des agents du FBI. il faut que je le questionne sur sa venue. Oui, il n’est pas là par hasard. Il est venu car il a oublié de vérifier quelque part... Ou me faire tirer des aveux. Il essaie de me mettre en confiance. Je suis sur que ses hommes sont planqués quelque part. Je regarde par la fenêtre de la cuisine. Rien. Je suis con aussi ! Si ils se sont planqués, j’aurais vraiment du mal à les voir par cette fenêtre. Si ça se trouve, ils viennent d’entrer dans la maison. ils ont dût tout préparer à l’avance pour m’emmener avec eux rencontrer leurs patron. Chier. C’est prêt. Il faut que je prenne mon courage à deux mains et que j’aille lui porter son café. Si je me barre, je serais encore plus suspect, alors agissons comme un type normal.
Plus j’approche du salon, plus j’ai peur. Je ne tremble pas, je ne transpire pas, je reste calme. Mais je sens quelque chose dans mes tripes.
Rien de plus dans le salon. Cette sensation bizarre s’en est allée. Garry attends dans le canapé, et regarde la télé. Je lui sers son café, il me remercie.
«-Gary, puis-je vous demander quelque chose ?
-Allez-y.
-Pourquoi êtes-vous revenu ?»
Il sirote son café. Il ne parle pas, il semble profiter du goût.
«-Je suis venu m’excuser. Pas seulement pour vous avoir brutalisé, mais aussi car la fouille était une mise en scène. En effet, n’aviez-vous pas trouvé ça étrange que nous fouillions votre maison, sans vous emmener au poste et sans un équipe complète ? En fait, nous avons fait ça, car nous soupçonnons des résidents de ce quartier d’être des terroristes. Nous ne savions pas qui, alors nous avons pris quelqu’un au hasard histoire de faire passer le message. Êtes-vous sorti depuis hier ?
-Non.
-Je suis venu en civil pour faire les courses ce matin, et des dizaines de rumeurs courent sur la fouille.
-Je ne m'intéresse pas aux rumeurs.
-Je comprends. Mais néanmoins, le message est passé. Un vent de panique était très présent.»
Et tout d’un coup, je ris. Ca ne m’était pas arrivé depuis des siècles. J’ai ris, j’ai ris.
«-Rassuré ? me dit-il ?
-Non, mais j’ai repensé aux paroles d’Hitler...
-Effectivement, c’est très drôle.»
Il rit à son tour.
Chapitre IV :
Chapitre IV
Je n’aime pas trop sortir. En ces jours d’hiver, il fait froid. Heureusement, il ne pleut pas.
Et je n’aime pas sortir à cause de ces gens. Malgré les routes défoncées, les trottoirs abîmés, les gens sortent. Il ne me faut que trente minutes pour aller là où je veux, mais je dois aller dans le centre-ville pendant quinze minutes.
Je suis souvent bousculé par les gens allant et venant. C’est très inconfortable. Par ailleurs, personne ne s’excuse. Tout le monde se presse pour aller je ne sais où. Ils sont tous là, à vaquer à leurs occupations... Dans cette foule, rare sont les gens qui semblent différents des autres. Tout ce que je vois là, c’est des bons citoyens.
Ils ont l’air aussi innocent que Gary. Je ne fais pas confiance à ces gens.
Où est là rue ? La foule est trop compacte. Et je n’aurais pas dût venir ici à trois heures. Mais je n’ai pas le choix. L’ampoule commence à grésiller, et si elle s’éteint, je peux dire adieux à ma princesse. Je n’ai jamais été fan de la technologie, mais cette fois là, elle m’a impressionné. Les plantes arrivent à vivre avec cette simple lampe.
Je repère la rue et m’y engage.
Au bout d’une petite dizaine de minutes, j’y arrive. Je suis devant la porte de son appartement. J’entre. Je le retrouve sur le pallier de son étage. Il discute avec une jeune femme. Il était habillé d’une chemise blanche et d’un jean. Il est très banal. Il me remarque.
«-C’est toi ? Entre.»
Je ne lui réponds pas. Il ouvre la porte et me précède.
Je jette un oeil à son appartement. Tout est parfaitement rangé. Ce n’est pas le genre de personnes que j’imaginerais avec un appartement rangé. Mais je ne lui ai jamais fait la remarque. Nos discussions se limitent à de simples formules de courtoisie.
«-Tu viens pour une lampe ?
-Oui
-Bon, je t’en sors une, attends ici.»
Et au bout d’une petite minute, j’en ai une dans ma poche. Et quelques secondes plus tard, mon porte-feuille est allégé. On se dit au revoir, et je me retrouve sur le pallier.
La jeune femme est là.
Je m'apprête à partir, mais elle me parle.
«-Al ? C’est toi ?»
Qui cela peut bien être ?
«-Tu... Tu te souviens de moi ?»
Sincèrement non, mais je laisse le silence s’établir entre nous.
«-C’est... C’est Emily. Au lycée tu te souviens ?
-Ah, oui, c’est toi. Je ne t’avais pas reconnue.»
Je ne sais pas du tout qui c’est. Ca me reviendra au fil de la discussion.
«-Tu... Tu connais Spencer ? Me dit-elle.
-Oui, je le connais un peu.
-Tu lui a... acheté quoi ?
-Une lampe, pour les plantes.»
Ca m’est sorti, tout seul sans réflexion. *BIP*, et si elle travaillait pour les fédéraux ? Et si elle était de mèche avec Gary ?
«-Tu as une plante ?»
Sa voix prends une expression étrange. Et ça me revient. Je me souviens d’elle.
On était au lycée ensemble. On était assis à côté, je ne sais plus pourquoi. Peut-être pour aucune raison particulière. Nous avons discuté d’auteurs, de livres, de théatre et de cinéma.
Aussi surprenant que cela puisse paraître, je suis sorti avec elle. Je ne me souviens pas comment c’était. Ca devait être banal.
Et elle a rompu pour être avec un mec plus sûr de lui.
Normal finalement.
«-Oui.»
Elle me regarda. Je vis soudain, au travers de la vitre du masque, ses yeux. Elle a toujours eu un léger strabisme, je trouve ça affreux.
«-Tu... Tu habites où ? Il faut que l’on se revoie, cela fait si longtemps. Tu fais quoi maintenant ?
-J’écris des livres.
-Ah, tu es auteur. C’est... Je suppose que c’est ce que tu voulais faire depuis toujours... Tu habites où ?
-Je te note ça.
-Tu pourrais noter ton numéro de téléphone, je te préviendrai pour ne pas passer à l’improviste.»
Je notai ça sur mon bloc notes, qui est toujours dans ma poche, avec le stylo qui me sert à écrire toute genre de choses.
«-Merci, me dit-elle.»
Je lui donne le papier, et elle descends les escalier, prétendant avoir un rendez-vous avec je ne sais qui.
Je rentre chez moi.
Je monte les escaliers, déposer mon manteau. Dans ma chambre, je regarde perplexe mon ordinateur. Je ne l’utilise plus, mon inspiration vacille. Bientôt, mes livres ne se vendront plus et je devrai trouver un travail.
Chapitre V :
Chapitre V
J’ai repensé toute la nuit à cette histoire de livres.
A quatre heures du matin, je me suis levé, et j’ai allumé mon ordinateur. J’ai ouvert le traitement de texte et ai tapé ce que je pouvais. Dans un état second, je l’avoue.
J’ai écrit quelques lignes, puis, des dialogues. J’ai relu, et, insatisfait, j’ai tout supprimé. J’en ai assez des livres pour enfants. Il fallait que je trouve autre chose. Et puis, j’ai cherché un titre, pour ensuite guider toute mon écriture. A six heures, j’étais encore assis, à chercher un titre. J’ai décidé de prendre «Le petit théâtre des désespérés». J’avais quelques idées, et surtout une ligne directrice.
Il est dix heures, je m’arrête. Je regarde une dernière fois l’écran. Je suis toujours à l’acte I, mais je suis satisfait.
Je mange un petit-déjeuner. Je descends ensuite à la cave, et je change la lampe. Il était temps. Je retire mon masque, et je respire. L’air pénètre dans mes poumons. Mon corps se refroidit au contact de cet oxygène pur. Je tremble de plaisir. Un air frais et pur s’infiltre dans tous mes muscles. Mais je remonte assez vite. Il faut que je continue d’écrire.
A trois heures, j’ai avancé. C’est l’acte 2, et je suis de plus en plus satisfait. Ca va assez vite, je pense terminer ça à la fin du mois. Je ferai plusieurs pièces.
Le téléphone sonne. Je décroche.
«-Al ? C’est Emily...
-Ah, c’est toi.
-Oui, j’aimerais, venir dîner chez toi ce soir. Il faut que l’on parle... A huit heures, ça te convient ?
-Tu seras accompagnée ?
-Dieu, non.
-Alors, c’est parfait, à huit heures.»
Je suis allé faire les courses, la tête dans mes pensées. Je ne peux plus penser à autre chose qu’à mon travail d’écriture. Je prépare ce que je sais faire, une épaule d’agneau. C’est papa qui m’a appris.
Elle est arrivée à l’heure prévue. Je l’ai aidée à enlever son manteau, et on s’est assis dans le salon. On a pris l’apéritif. J’ai pris du whisky, elle du martini.
«-Alors,... Tu es auteur désormais ?
-Oui. J’écris des livres de contes pour enfants.
-Ah. Tu arrives à gagner ta vie ?
-Tout à fait. Mon dernier livre s’est bien vendu. Mais je ne te dis pas le titre. J’écris sous un pseudonyme.
-Tu pourrais tout de même me le dire.
-C’est que... Je préfère être discret.
-Tu n’as pas changé...»
Elle avale d’un trait son verre.
«-Toujours aussi discret. Et si peu sûr de toi.
-C’est un reproche ?
-C’est un trait de ton caractère. Tout le monde est différent.»
Nous nous regardons.
Le four sonne. Je la prie de se mettre à table.
«-Depuis quand as-tu une plante ?
-Je l’ai trouvée dans mon jardin. Il y a un an et quelques mois.
-Moi, ça va faire trois ans.»
On se regarde encore une fois. Je ne sais pas pourquoi, mais je ne suis pas étonné. Je me rappelle encore qu’elle était toujours différente. Toujours à vouloir faire autrement.
«-Hm... Je pensais pas que tu pourrais vivre différemment des autres.
-Laisse les reproches de côté. Mange avant que ce soit froid
-Essaie de détourner la conversation...»
Elle passe sa main dans ses longs cheveux châtains.
«-Heureusement que le repas est bon.
-Pourquoi ça ?
-Je ne te supporte plus depuis des années.
-Tu es moins timide qu’hier, c’est étrange.
-Hah, comme si ça changeait quoi que ce soit pour toi.»
Nous avons fini le repas en silence.Nous sommes toujours assis, devant nos assiettes. Le silence est pesant, et je la haïs de tout mon coeur.
«-Montre-la moi.
-Si tu y tiens.»
Je l’emmène à la cave. Nous ne nous disons mot. Une fois à l’intérieur, j’enlève mon masque. Elle fait de même, et respire. Nous apprécions tous deux le moment. Nous sommes là, à respirer cet air pur.
«-C’est un air agréable.
-Tout à fait... Mais je suppose que tu préfères l’air de ta plante.
-Je suis si prévisible ?»
Nous continuons à respirer. Les bruits sont sourds. Elle sort un paquet blanc de sa poche.
«-C’est du tabac. Tu connais ? T’en veux ?
-Ouais, ils en prennent dans les vieux films, mais je n’en prendrai pas.
-Si tu veux.»
Elle allume sa cigarette. Je tousse.
Chapitre VI :
Chapitre VI
Nous sommes sept, sans masques, autour de cette table ronde dans la cave d’une voisine.
Emily avait insisté pour que je participe à une réunion de gens qui possèdent une plante dans le quartier. Je n’avais jamais été aussi déçu. Je ne suis pas plus unique que les gens qui sont là. Je suis pas le seul à avoir une plante et c’est désorientant. Moi qui me croyait seul...
La cave était fleurie et lumineuse. Des dizaines de pots de terre étaient éparpillés dans la salle. Des fleurs, des plantes, des arbrisseaux...
«-Nous sommes là pour accueillir un nouveau membre, dit Emily, prenant une bouffée de tabac. Il s’agit de Mr Cid, nous sommes des amis, si on peut le dire, de longue date.
-Vous possédez une plante, Mr Cid ? C’est surprenant.»
C’était Mathilda, la bibliothécaire. Je vais souvent à la bibliothèque et ai eu souvent l’occasion de lui parler. Une femme tellement banale.
«-Tout à fait. Depuis plus d’un an, dis-je.
-Comment connaissez-vous Emily ?
-Le lycée, nous...
-Nous étions des amis.»
Elle m’a coupé la parole. Elle ne semble pas apprécier qu’on soit sorti ensemble. Je la regarde.
«-Bien, dit un homme à ma droite.»
Il est chauve, et croise les bras depuis tout à l’heure.
Il regarde fixement la table d’un air mauvais. Je le connais, il fait ses courses au même endroit que moi, et on se croise souvent lorsque l’on porte nos courses vers notre maison. En effet, un super marché a ouvert il y a quelques mois dans le quartier. Je ne connais pas son nom néanmoins.
«-On va faire le tour de la table, et présenter les autres membres, dit Emily»
Il y avait Robert, épicier. Mathilda. Emily, évidemment. Sean, coiffeur, celui que je croise souvent. Quentin, auteur. Jane, chômeuse. Et moi.
«-Tu sais ce que l’on fait ? dit Quentin.
-Non. Je dois bien l’avouer.
-Et bien nous discutons et donnons nos conseils pour la culture des plantes.
-En parlant de ça, qu’avez-vous comme plante Mr Cid ? demande Mathilda.
-Je ne sais pas.
-Vous ne savez pas ? dit Jane.
-Non. C’est grave ?
-Et bien... C’est mieux.
-Donc, ce n’est pas obligatoire.»
Personne ne répond, mais tout le monde me regarde. Emily expulse la fumée de ses narines, en me regardant d’un air de résignation. Je tousse.
«-Et bien, Quentin, tu as des problèmes avec vos tulipes ? demande Sean.
-Oui, je crois que l’eau que je lui donne n’est pas bonne pour elle.
-Comment ça ?
-Vu l’air qu’on respire, je me pose des questions sur l’eau.
-Tu ne la filtre pas ?
-Non. L’eau est saine, alors pourquoi je devrais la filtrer ?
-Et tu les crois quand ils disent qu’ils réquisitionnent nos plantes pour notre bien ? dis-je.»
Il me regarde avec un air mauvais.
Pourquoi les gens sont hypocrites ? Pourquoi les gens ont confiance ? Nous ne sommes que des pions, que l’on sacrifie. On nous dit de croire en des mensonges, nous sommes tributaires de grands menteurs. Etat, religion, médias,... Tout est faux.
Emily me regarde, un rictus aux lèvres. Tout les regards, de toute manière, sont braqués sur moi. Je suis indésirable ? Déjà qu’être ici n’est pas une partie de plaisir.
«-Je pense que tu peux partir Al, me dit Emily. Si tu penses que nous sommes des révolutionnaires engagés, tu te trompe. Nous sommes juste là pour discuter. Nous ne sommes pas là pour exercer notre parano. Alors si tu veux faire exploser des gens, ou faire le héros, sache que tu t’affrontes à plus grand que toi. Tu finiras mangé, tout cru. Nous ne sommes pas les prédateurs. Alors, pars.»
Je me lève de ma chaise, met mon masque, et pars.
J’ai écrit tout le reste de la journée. J'ai recommencé mon texte. Il ne me satisfait plus.
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Le petit théâtre des désespérés
Acte 1
SCÈNE 1
Personnages
Un jeune homme.
Un deuxième.
La peur.
La colère.
Un bar. Deux jeunes garçons discutent. Ils ont la vingtaine et discutent de choses banales. Chacun boit une bière. Il y a deux autres tables occupées. Un couple et trois personnes. Ils ne font rien, et ne touchent pas à leur verres. Ils se regardent et ne parlent pas. Ils ne perturbent pas la conversation des deux jeunes hommes.
Au bout d’un moment, les deux hommes se taisent. Le premier lance la conversation :
Un jeune homme - Tu penses que ça va aller pour demain ?
Un deuxième - Oui. Mr Boxberger ne devrait pas trop gueuler.
Entre La Peur. La Peur est pâle, mais a un visage mauvais. Ses vêtement sont travaillés et beaux. Au fur et à mesure de la conversation, son visage prendra un rictus, de plus en plus visible. Elle s'assoit à la table des deux hommes. Elle susurre au premier avant que ce dernier ne parle, de telle façon que l’on doit penser qu’elle dicte ses paroles.
Un jeune homme - J’ai pourtant...
un deuxième - On le sait tous. Mais tu as été franc.
Un jeune homme - Mais j’ai quand même fait quelque chose de mal
Un deuxième - Je ne pense pas qu’il t’en voudra.
Un jeune homme - J’ai pris de l’argent à l’entreprise ! Ce n’est pas simple !
Un deuxième - On a tous fait des erreurs.
Entre la colère. Elle est grande, et habillée en rouge. Elle se tient devant la porte et ne bouge pas.
Un jeune homme - Je peux être envoyé aux flics ! Tu penses un peu à mon avenir ?
Un deuxième - Bien sûr.
Un jeune homme - Tu t’en fous en fait. Ca t’arrangerais bien que je m’en aille. Ca t’arrangerait bien hein.
Un deuxième - Mais enfin, tu ne penses quand même pas que je suis aussi désintéressé ? C’est grave ce qui se passe.
Un jeune homme - Puisque t’en as rien à foutre, je m’en vais.
Un deuxième - Va exercer ta parano ailleurs. Tu verras bien demain.
Le jeune homme se lève et s’en va. La colère lui ouvre la porte. La peur le suit, peu de temps après.
Fin de la première scène
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Chapitre VII :
Chapitre VII
La fraîcheur entre dans mes narines, la chaleur descend le long de ma gorge. Je repose le verre sur la table. Je fixe ma princesse. Elle grandit, jour après jour. Je ne peux m’empêcher de la regarder chaque jour, la voir grandir. C’est mon enfant. Je reprends une gorgée. Le verre touche mes lèvres, et c’est une sensation incroyable que je ressens. Peu de gens peuvent se targuer de sentir les objets sur leurs visages, de boire le verre collé au visage. Ce que j’aimerais expérimenter, c’est la nourriture. La vraie. Le steak gras et rouge dans une assiette. Ruisselant de graisse, saignant et dont la cuisson nous demande temps et maîtrise. Un steak que l’on mage avec ses dents. Pas un steak bouilli avec des légumes dans un gobelet, digne d’un gobelet de milk-shake qu’il faut boire. Je veux sentir l’aliment, je veux mordre la vie. Je veux sentir l’animal que je mange, et non pas la machine qui l’a broyé. Je veux être capable de me sentir, broyer cette chair qu’on m’offre sur une assiette. J’aimerais que le monde soit comme avant. Ces masques sont un poison, pire que cet air. Cet air qui nous est impossible de respirer sans avoir de cancer dans la minute. Cet air oriental. Cet air que nous n'avons pût contrôler. Le nucléaire a été notre énergie et notre mort, à tous. L'Iran n’a jamais voulu arrêter son programme nucléaire, et ils ont payé les frais. Combien de pays ont été anéantis ? Six ? Sept ? Reste-t-il encore es européens en bonne santé par ailleurs ? Et l’Afrique ? Qui y habite encore ? Plus d’enfants, plus de pauvres, peut-être des gens profitant du pétrole et des diamants. Voila tout ce qu’il reste. Nous, américains sommes les plus chanceux. Le nuage a mis 3 semaines pour venir, le temps pour nous de nous préparer. Cela fait combien de temps maintenant ? 100 ans environ non ? Ah ! Et en plus, nous avons tous stagné ! Quand je revois les films, rien n’est différents. Voitures, bâtiments,... Tout ce qui nous différencie, c’est nos masques, et notre alimentation. Quelle connerie. Je reprends à boire. Je me sens unique. Je ne le suis pas exactement, mais qu’importe ! Cette *BIP* d’Emily croit vivre au paradis, avec son groupe. Si nous avons une plante, nous sommes différents. Réfléchir. Nous sommes pas comme les autre. Mais peut-être suis-je unique. Suis-je le seul à réfléchir ce qui se passe ? Suis-je le seul de ce monde à vouloir goûter un steak solide ? Vouloir utiliser mes dents pour manger et non pas pour grincer ? Et d’ailleurs, à quoi peuvent-elles nous servir si on ne mange rien de solide ? A quoi sert notre nez si on ne peut respirer cet air qui nous entoure ? Sommes-nous utiles ? Je finis mon verre d’un trait. Je frissonne. Maman ne m’approuverait pas. Mais je n’ai jamais approuvé maman. Quelle aille se faire foutre, elle n’est plus qu’un souvenir. Un souvenir croupissant loin d’ici. Elle a tué papa, elle ne doit pas être dans mes pensées...
Ma princesse est là pour me faire penser à autre chose. Ma belle princesse. Se sa robe verte, elle me regarde. Moi, je la contemple. Sous son soleil artificiel elle grandit, et elle est témoin de toutes mes attentions.
Pourtant, je suis perdu. L’alcool ? Sûrement.
Je ne sais plus quoi faire. Mon verre se vide de plus en plus vite. Je stresse. Je respire de plus en plus fort. Et si ma vie était découverte ? Je ne sais pas si je pourrais me cacher plus longtemps. Et puis, et si les autres prétentieux me dénonçaient ? On ne peux pas les croire. Je les hais ! Je la hais !
Je finis mon verre d’un trait et je suis pris d’énormes frissons.
Je veux remonter là haut m’en refaire un, mais mes mouvements sont aléatoires, je m’appuie sur le dossier de ma chaise et traîne mon poids. Mes épaules me paraissent lourdes. J’avance vers la porte. Je prends la peine de l’ouvrir et la fermer méticuleusement, mais mes mouvements sont comme lents. Je monte les marches, je pousse la dalle, sors, la remets. Je me déplace vers la cuisine. Le miroir du salon me contemple, et en lui lançant un regard, je comprends l’enfer de ma situation.
Mon visage était visible. Complètement. Mon masque n’était plus là. Mon visage était là, me regardait. Ces yeux dont je ne voyais pas la couleur, cette bouche qui n’a jamais montré un semblant de son apparence, ce nez caché sous les masques. Je me rapproche du miroir. Mes yeux bleus regardent ceux de mon double. Je touche mon visage, examine ses formes. M’habitue aux creux, aux bosses. Me surprends à découvrir sa texture.
Mais très vite, tout devient infernal. Je sens. Tout autour de moi, les odeurs m’assaillent. Une odeur dense, forte. Ma maison ? Ma propre odeur ? Ce gaz qui nous entoure ?
Je n’en sait rien, je commence à suffoquer. Je tousse. Une odeur nouvelle. Que je ne connais pas. Elle est partout, rentre en moi, m’attaque les narines, force l’accès et remonte jusqu’à mon cerveau. L’air frais de la cave ! L’air frais de la cave ! Ma princesse !
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Cela fait deux jours que je me regarde dans le miroir sans arrêt. Je me regarde, mais je ne ressemble plus à ce que j’ai vu.
Mais j’ai peur. J’ai perdu mon masque, quelques minutes, et je ne sais pas quelles en sont les conséquences. Mes poumons doivent être touchés. L’air doit être rentré dedans, et je ne sais pas comment ça pourrait finir. On parle souvent de cancers, très puissants, que les thérapies ne peuvent affronter.
Et j’ai vu mon visage.
J’ai passé deux jours à taper, retaper, et recommencer mon texte. J’ai passé des heures assis devant l’écran, sans jamais être satisfait. Ma rage d’écrire n’a pas aboutit. Je suis planté sur la première scène, à la retoucher entièrement.
Je ne cherche plus à comprendre. Je me suis décidé ce matin d’arrêter. Je vais sortir. Je ne sais pas où. J’ai besoin de sortir, mais j’en ai peur. J’ai peur de vouloir chercher le visage sous les masques que je croise. J’ai peur de me poser trop de questions...
Je m’ennuie.
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Chaps 1 à 7 (Et demi)
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North Crosset
Premier Chapitre :
Premier Chapitre
5 juin 2009
Les mouches noires virevoltent autour de cette masse affalée par terre. Il est tôt pour ces insectes, mais ils sentent l’odeur amère de la chaire morte. Il est six heures du matin, et nous sommes quatre à regarder cette scène. On entend leurs bruits se renforcer au fur et à mesure de leur arrivée sur ce corps refroidi et bouffé par vers et mouches de toutes sortes. Cette danse macabre continue sous nos yeux indifférents. Jacky Silverburgh était mort depuis plusieurs heures. Le sang s’était figé sur sa chemise à carreau rouge. L’herbe avait pris la couleur de l’hémoglobine. Un meurtre commis sobrement. Quatre coups de couteau. Peut-être plus. Nous contemplons cette oeuvre humaine.
«-Je l’ai, trouvé comme ça... Les mouches en moins, bien évidemment»
Mme Silverburgh est veuve. Elle semble aussi veuve de ses sentiments. Elle reste impassible. Le corps refroidi de son mari ne semble pas la choquer ; loin de là. Comme une fatalité. S’y attendait-elle ? Aucun d’entre nous ne connaît le couple, et l’étudier semble intéressant. Je détache mes yeux de Mr Silverburgh et sort mon carnet.
«-A quelle heure l’avez-vous trouvé ?
-Je suis rentré du travail à trois heures. Je travaille au bar en bas de la rue. Je devais ranger, donc j’ai pris plus de temps que prévu.
-Cela est dans vos habitudes ?
-Je rentre tous les soirs entre une et trois heures, effectivement. Sauf le Dimanche, je rentre à onze heures.»
Mme Silverburgh a appelé le standard à 3h30, cela concorde. Elle a dût le chercher et le trouver comme cela. Nous somme arrivé ici il y a une demi-heure. Il n’y avait plus d’enquêteur au poste, qui se situe assez loin de North Crosset. Nous sommes trois, deux enquêteurs (moi : Travis Bunch, et Frederic Cohen) et un simple agent de police (Brian Klaw), venu car il connaît la ville.
«-Vous ne semblez pas vraiment surprise Mme Silverburgh, dit Frederic
-Non, pas vraiment.
-Pourquoi donc ? demandais-je
-Demandez au voisinage. Peu de gens l’aimaient.
-Et vous ?»
Elle tira une bouffée de sa cigarette. Elle ne répondra pas. Nous sommes dans un cas classique. Un meurtre, et trop de suspects.
«-Nous allons interroger les voisins bientôt, dit Frederic. Brian ? Tu peux inspecter le jardin pour trouver des preuves ?
-Bien sûr monsieur.
-Avez-vous trouvé l’arme du crime madame ? demandais-je
-Non. Je n’ai pas vraiment cherché non plus.»
On peut dire une chose, il n’y a aucune trace de lutte. La victime et le criminel se connaissaient, ou la victime l’avait laissé rentré tout en sachant que c’était un inconnu. L’herbe bouge légèrement, suivant le vent frais du matin. Je me tourne vers la maison. Une maison simple, discrète au milieu des autres. La porte fenêtre donne sur une terrasse, minuscule. Une table, deux canapés d’extérieur, un parasol. Des verres sont restés sur la table. La victime et son assassin ont bu ensemble, sans aucun doute. Plus qu’à espérer pour des empreintes.
«-Votre mari buvait ?
-Oui, pas mal.
-Fumait ?
-Oui, pas mal.
-Frederic ? Examine les verres sur la table. On aura sûrement des empreintes.
-Hm, ouais, j’y vais»
Je retourne au cadavre. Je me baisse pour l’examiner. Ses yeux blancs me dévisagent. Qu’à t’il vu ? Que s’est-il passé ? Il ne le dira jamais. Bien dommage. Je mets mes gants en latex. J’examine son bras. Aucun coup, aucun bleu. Sa main droite m’intrigue. Il y a de l’encre sur certains doigts. A t’il écrit une lettre récemment ? Je le note dans mon carnet.
«-Votre mari avait-il l’habitude d’envoyer des lettres ?
-Oui. En ce moment plus qu’avant. Il était au chômage et essayait de convancre les futurs employeurs. On a pas internet ici vous savez.
-Il a écrit quelque chose avant de mourir. Il a de l’encre sur les doigts.
-Je vais chercher dans le bureau»
Elle rentre à l’intérieur.
«-Monsieur Bunch ?
-Oui Brian ?
-Je n’ai rien trouvé. Pas de traces, pas de sang, pas d’armes, rien.
-Bien. Frederic ?
-Ouais ?
-Des empreintes.
-Oui, sur seulement un verre, et je suppose que c’est celui de la victime.
-Bon, tant pis. Je vais retrouver Mme Silverburgh, on va poser quelques questions aux voisins ensuite.»
L’assassin connaissait la victime, n’a laissé aucune trace, a emporté l’arme du crime. Il est ordonné et froid. Il semble qu’il n’a pas paniqué. Mais si la victime avait beaucoup d’ennemis, beaucoup de gens l’auraient tué de sang froid. D’ailleurs, je pourrais imaginer sa femme dans la place de l’assassin. Mais je n’ai pas de preuves. Et puis, si son alibi est vérifié...
Je rentre dans la maison au fil de mes pensées. Il m’a semblé voir Mme Silverburgh aller dans le couloir de droite quand elle est partie au bureau. Je suis sa trace. Je traverse le salon, et arrive dans le couloir. Il est petit, étroit, et débouche sur une porte entrouverte. La lumière orangée d’une lampe émane de l'entrebâillement. J’avance patiemment vers le fond du couloir. Je pouvais entendre Mme Silverburgh fouiller dans les papiers de son mari activement. J’ouvre la porte.
«-Vous êtes là ? me dit-elle
-Nous avons fait ce que nous avions à faire madame. Le camion de la morgue devrait arriver à neuf heures. Nous allons enquêter auprès du voisinage.
-Si je peux vous conseiller, je vous dirais de ne pas réveiller les gens du quartier pour ça. Allez voir au bar. C’est sur West Pierce Street. C’est le Deer Hunter.
-On pourra y vérifier votre alibi ?
-Pas à cette heure là. En tout cas, là bas, présentez-vous au barman, décrivez la situation et demandez si des gens de la ville sont là. Le bar est souvent fréquenté par les routiers, ça explique mes horaires assez flexibles.
-On le fera madame. Avez-vous trouvé une lettre récente ?
-Pas que je sache.
-Prévenez-nous si vous en trouvez une, c’est important.»
Je sors du bureau. Frederic et Brian m’attendent à l’entrée.
«-Brian ? Tu connais le Deer Hunter ? ai-je demandé
-Non.
-C’est le bar de madame Silverburgh.
-Quelle rue ?
-West Pierce Street.
-Je vois où c’est.
-On va te laisser conduire, sortons.»
Une fois sortis de la maison, Frederic regarde par terre et me dit :
«-On a manqué quelque chose Travis...
-Où ?
-Par terre... Du sang.»
Frederic avait raison, quelques gouttes de sang étaient disséminées sur l’herbe près du chemin menant à la rue. Juste quelques petites gouttes. Quelques brins d’herbe rouges sang. Brian se pencha et l’examina.
«-Rien à en tirer, je ne vois aucune trace de pas claire en dessous, aucun objet... dit-il
-En tout cas, c’est celui de Jacky Silverburgh, dit Frederic. Pas besoin de s’attarder alors, allons au Deer Hunter. Tiens, attrape les clés.»
Brian prend les clés et rentre dans la voiture de fonction. Je m’installe à l’arrière. Je contemple mon reflet. Mes cheveux blonds sont en bataille, ma barbe n’a pas été rasée, mes yeux sont fatigués. Je n’ai plus le sommeil depuis des semaines. Je n’ai plus la tête à rien. Même mon 39ème anniversaire ne m’a pas donné envie de continuer. Le boulot prend tout mon temps, et je serai incapable de rentrer à Warren avant quelques jours. Nous allons dormir à l’hôtel de la ville, et repartir d’ici deux jours, voire trois. Je ne suis pas convaincu de ce que j’ai entendu jusqu’à présent. Un homme ne peut pas être haï par tout son village. Mais si c’est vraiment le cas, la liste de suspects risque d’être très longue.
Brian démarre le véhicule.
«-On en a pour une minute, tout au plus, dit-il.
-Sérieusement, vous en pensez quoi de cette affaire ? ai je demande.
-Sérieusement ? dit Frederic. Ca pue. Sa femme n’en a rien à carrer de sa mort et nous a pas dit grand chose. Et puis, pourquoi tu l’as laissée seule dans le bureau ? Elle aurait pu cacher quelque chose.
-Elle aurait planqué les verres. Et je pense pas qu’on aurait vu du sang à l’extérieur si elle l’avait tué.
-On ne sait même pas quand il a été tué je te rappelle. Elle peut partir du bar et revenir quand elle veut, c’est le sien.
-Et toi, t’en penses quoi Brian ?
-Pour le moment, on ne peut rien conclure. C’est ça le problème, on a rien... On est arrivés.»
Brian gare la voiture en face du bar.
«-Et puis pourquoi faire ce qu’elle à dit ? réplique Frederic. Pourquoi aller au bar alors qu’on pourrait réveiller les voisins ?
-Parce qu’on réveillerait les voisins. On va essayer de se faire discret pour le moment.
-Et pourquoi ?
-En campagne, ils sont du genre... A être très vite vexés.»
On sort tous trois de la voiture.
Je tiens à signaler que si North Crosset existe véritablement, les lieux et les personnages sont fictifs. Les rues néanmoins ont gardé leur vrai nom ;)
Dernière édition par AC!D le Mar 20 Déc 2011 - 16:46, édité 23 fois